Madagascar 3


King Dédé

Lors de la discussion autour de la bière du vendredi, une personne a été effarée de constater les gesticulations du président Ratsiraka largement reportées par toutes les télés de la place. « C’est normal qu’on soit le seul pays au monde qui ait été choisi pour en faire un sujet de dessin animé », disait-elle, « nos politiciens se comportent comme des vrais comics. Avec ce que Deba a fait hier, on a le script de  Madagascar 3 : le retour de king Dédé (Deba Didier). »

Le rire instinctif a failli me faire avaler de travers ma première lampée. Heureusement que la personne me faisait remarquer qu’il fallait plutôt en pleurer tellement c’était pitoyable. Et tout en reprenant l’absorption de mon premier verre, je me disais qu’effectivement, on ne verrait jamais un Madiba ou un Jimmy Carter, ni même un Jacques Chirac se mettre à faire des pompes à genoux pour prouver qu’il n’est pas grabataire. Notre Dédé national l’a fait avec fierté. Et ce n’est malheureusement qu’à l’image du personnage : jamais peur du ridicule pour montrer qu’il n’est pas encore paralytique. Une petite course par ci, un jogging par là…Ça doit avoir une relation quelconque avec sa formation dans une école de guerre, où seul le langage de la force ou une simulation de celle-ci a un sens. Je me demandais d’ailleurs, comment il a pris l’exécution de son pote le tout puissant Colonel de la Libye par la foule? Un autre champion de l’arrogance comme lui. Est-il seulement conscient de la chance qu’il a d’être encore en vie après tout ce qu’il a fait? Et est-ce qu’un jour quelqu’un pourrait lui expliquer que c’est l’équipe qui gagne qu’on ne change jamais, et non pas une politique plusieurs fois perdante.

La discussion s’emballe et les remarques fusent mais je ne les entendais même plus si cette odeur suffocante d’huile de friture trop chaude, ne me ramenait pas à la réalité de notre arrière salle miteux, qu’on aime tant. Pendant une seconde d’attention j’entendais alors un autre qui ironise sur son incapacité visuelle, « cassage » facile, mais ô combien pertinent. Pendant 25 ans disait-il, même quand il disposait de toute son acuité visuelle, ce personnage n’avait aucune vision de ce que pouvait être le bien de la nation. Même le caillou qu’est l’ile Maurice nous a dépassé. Maintenant qu’il a malheureusement perdu sa vue, comment peut-il prétendre pouvoir guider la nation pour nous sortir de cette crise, sans changer un iota de ses pratiques? La remarque est restée mais ma tête est ailleurs. J’ai trop apprécié l’analogie avec le dessin animé. Je me demandais alors si notre Dédé national a pu influencer l’inspiration des auteurs sur le personnage de king Julian, roi de Madagascar.  Quelque chose dans son comportement ou dans son regard? Qui sait. Ce serait marrant de faire une BD sur nos politiciens me dis-je.

Le King Julian en chair et en os

Je bouscule tout le monde pour ouvrir la fenêtre tellement l’odeur de cette huile m’oppresse. Entre temps un pro dada prend la défense de Deba. Un paradoxe de plus, mais rien de bien étonnant surtout par les temps qui courent. Et voilà qu’il nous sort la litanie sur les points positifs qu’il aurait fait pour notre pays. Vais-je lui dire ce que je pense? A quoi, bon, il est aussi obtus que la personne qu’il défend. Mais dans ma tête je me dis que défendre les réalisations de King Dédé, c’est comme défendre l’ordre qu’Adolf H. aurait mis dans le 3ème Reich, ou tout le bien que le Cavaliere aurait fait pour l’Italie. Dans ce cas, on peut aussi prétendre que Satan a fait du bien a l’humanité quand il a éprouvé la foi de jésus dans le désert. Mais ça ne fait pas de lui un ange pour autant.

-« Il paraît que Deba est d’une très grande culture et d’une intelligence remarquable… » assène un autre.
-« Alors comment a-t-il pu se viander autant et aussi longtemps s’il avait le moindre gramme de neurones interconnectés? » répond aussi tôt le suivant. N’y aurait-il donc pas de lien entre la bonne gouvernance et l’intelligence? Serait-ce donc vrai que le pouvoir rend bête? Ça gamberge au ralenti dans ma petite tête embrumée par l’odeur de friture.

En tout cas, celui là n’est pas vraiment l’image idéale que je me faisais du ray amandreny sage et respectable. On pourrait encore le rattraper s’il pouvait simuler la reconnaissance de ses torts et de ses errements. On aurait pu lui reconnaître la capitalisation des ses expériences ratées s’il demandait qu’on ne reproduise pas ses erreurs. Et ben non! Il fallait que monsieur se mette à chanter publiquement« qu’il ne regrette rien »! (Il chante faux avec une voix de canard en plus) Serait-ce une menace de sénilité ou un début d’Alzheimer ? Comment lui rappeler gentiment que, s’il s’est fait botter le train deux fois du pouvoir, c’est parce que le personnage «d’Ignace l’enchanteur» n’est pas crédible, et ne convainc plus personne. Donc ce n’est plus la peine de le singer.

Le stroumphième cortège de bouteilles de bière arrive et je profite que tout le monde se lève pour se servir, pour m’assoir. A son retour, le plus cynique d’entre nous pose la question qui tue : entre un président qui s’est fait empêcher, un qui s’est fait rabroué parce qu’il a confondu le trésor public avec la poche de sa veste, et un DJ putschiste qui se prend pour Einstein, pourquoi king Dédé n’aurait pas sa place ?Gloups !!

C’est une belle brochette effectivement pour des personnages de Sitcom, mais malheureusement ils se sont retrouvés successivement à la tête de notre pays. Sur ce, je me fais encore plus muet. Surtout qu’à côté, l’équipe de pingouins de la SADC, miment à merveille la bande à Kovalski et Rico avec leurs grandes théories inutiles et leur parfaite incompréhension du sujet. Et si les dessins animés avaient des capacités prédictives sur le réalité? Bon on zappe, car là, j’ai l’impression que la bière remplace le sang dans ma cervelle.

Mais revenons à notre réalité politique. Serions nous donc condamné à vouer un culte à la médiocrité ? Espérons que non. Mais pour sortir de là, ce ne sont surement pas ces bandes de comics qui vont changer la donne. C’est bien orchidoclaste tout cela.

On me demande alors pourquoi je suis si silencieux alors qu’en général, je suis le premier à dégainer les piques les plus virulentes. Je répondais bêtement que  la bière bien fraiche est trop bonne, donc elle prenait beaucoup de mon attention; que la situation était effectivement grave et qu’elle méritait plus de réflexion que de bavardage, et que pendant que tout le monde faisait un bruit d’enfer, je priais doucement dans mon coin pour que demain, King Dédé ne  se mette pas à trémousser son arrière train  de 75 bâtons en dansant à Bazaribe « i want to move it, move it »

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